De animis fatalis Encore une journée qui commence bien. Non contente de ses assauts incessants, la fatalité s'acharne une fois de plus sur ma misérable existence. En général, on rit de ce genre de choses. On appelle ça la Loi de Murphy, je crois. D'où sort ce Murphy, on se le demande, mais cela ne change rien à l'affaire, pas plus que la quantité de corollaires qu'on en a tirés. Ce qui peut aller mal, va mal, et empire avec une probabilité qui augmente en fonction de la gravité des conséquences. Maintenant je le sais. Il n'y a aucun doute possible, même métaphysique. Deux mois de lessives à faire, au moins. Rien à se mettre, à part un pantalon de clown et un T-shirt spooky d'Halloween, dont les restes hantent encore le studio, et la machine à laver qui a vendu son âme au diable dans un dernier râle. Emma qui joue les enchanteresses païennes, plus une tune sur mon compte en banque; en poche... tout juste de quoi payer le bus pour ma mère qui arrive à l'autre bout de la ville juste à l'heure du rendez-vous avec mon directeur de mémoire. Ma mère débarque, oui, comme ça, à l'improviste, en plein chaos. Vraiment n'importe quoi. Evidemment, elle a choisi le jour. C'est sûr. Elle aurait pu se décider plus tôt, ou plus tard. Je n'étais plus à une semaine près, depuis le temps... Non, il a bien fallu qu'elle choisisse juste aujourd'hui. Peut-être cela a-t-il rapport avec l'intuition féminine. Non, là, je m'égare. Ou alors c'est qu'elle s'est entendue avec Emma. Non ça aussi, ça ne colle pas. Emma, elle ne la connaît pas encore. D'ailleurs il faut encore que je trouve un moyen d'éviter que ces deux-là se rencontrent. Il serait plus sage en effet que les deux n'aient, pour ainsi dire, connaissance l'une de l'autre que par une induction d'ordre métaphysique. Abordons cette situation rationnellement.