Prière de toucher

Le Musée des Beaux-Arts de Lyon pro­pose depuis avril et jus­qu’en sep­tembre 2019 une expo­si­tion tem­po­raire dédiée à l’ex­plo­ra­tion des œuvres par les autres sens que la vue.

Si la com­mu­ni­ca­tion faite autour de cette expo­si­tion n’est pas uni­que­ment des­ti­née aux non voyant·e·s, un cer­tain nombre de pro­po­si­tions de média­tions sont à des­ti­na­tion de ce public. Pro­fi­tant des vacances sco­laires et uni­ver­si­taires, je suis allé y faire un tour, curieux de décou­vrir l’ap­proche péda­go­gique et muséo­lo­gique déve­lop­pée par l’exposition.

Tout d’a­bord, il faut avouer que le bâti­ment qui accueille le musée, une ancienne abbaye, est un splen­dide écrin pour les œuvres qu’il abrite. Le par­cours à tra­vers les cou­loirs jus­qu’au lieu de l’ex­po­si­tion n’est pas simple, même si le gar­dien, un chic type, pro­pose l’u­ti­li­sa­tion d’un ascen­seur pour faci­li­ter l’ac­cès au patio depuis la place des Terreaux.

L’ex­po­si­tion en elle-même prend place dans une enfi­lade de trois pièces, pré­cé­dées d’une entrée où des per­son­nels du musée pro­posent aux visi­teurs de s’é­qui­per d’un masque cache-yeux, afin de décou­vrir l’ex­po­si­tion à l’aveugle.

La pre­mière salle est pro­po­sée comme une mise en doigts, avec un ensemble de maté­riaux à explo­rer, afin de se pré­pa­rer au tou­cher des œuvres elles-même. L’en­semble, bien que réduit, est assez ludique, et petits et grands semblent se prendre au jeu. Dans cet espace, trois pre­mières repro­duc­tions de sculp­tures, dont deux cachées par des rideaux, per­mettent de s’exer­cer au tou­cher. Comme la qua­si-tota­li­té des œuvres pro­po­sées, il s’a­git de figures humaines qui sont pro­po­sées au visi­teur. Dès le début, on constate com­bien le dra­pé sculp­té est un défi à la compréhension.

Explo­ra­tion tac­tile dans la der­nière salle.

La deuxième salle est com­po­sée de trois tableaux, per­met­tant de s’ap­pro­prier les grandes étapes de la concep­tion d’une œuvre volu­mique : mode­lage, mou­lage, fonte… Un dis­po­si­tif audio et vidéo vient com­plé­ter l’ex­plo­ra­tion de cette pièce.

Enfin, le der­nier espace pro­pose de décou­vrir une dizaine d’œuvres de dif­fé­rentes époques, et de dif­fé­rentes tech­niques, dont la repro­duc­tion uti­lise sou­vent la tech­nique de la résine aug­men­tée de poudre de marbre, par­fois le bois. Au mur, repro­duc­tion de textes évo­quant la per­cep­tion fan­tôme de la cou­leur chez une per­sonne en situa­tion de défi­cience visuelle. Deux films com­plètent cette installation.

Afin d’ac­cé­der plus aisé­ment aux œuvres, des struc­tures conçues comme des pla­te­formes per­mettent de se mettre à la hau­teur des dif­fé­rents élé­ments. Mais là, pas de para­pet, rien qui per­mette une com­plète auto­no­mie pour un public défi­cient visuel. 

Nous n’a­vons pas choi­si d’u­ti­li­ser l’au­dio­guide pro­po­sé à l’en­trée du musée (pour 1€), ni d’at­tendre la visite com­men­tée à 16h ce jour-là. C’est en auto­no­mie que nous avons explo­ré l’ex­po­si­tion, dont les car­tels sont dou­blés de braille. Dans l’en­semble, j’ai trou­vé l’ex­po­si­tion rai­son­na­ble­ment inté­res­sante. Elle per­met d’a­voir accès à quelques exemples de sculp­tures à tra­vers les âges. Cepen­dant, très peu d’élé­ments de média­tion sont pro­po­sés, pour faci­li­ter l’ap­pro­pria­tion tac­tile des œuvres.

Ayant pu décou­vrir au fil des années plu­sieurs autres musées dans les­quels un fort tra­vail de média­tion avait été pro­po­sé autour du tac­tile — la tapis­se­rie de l’a­po­ca­lypse au châ­teau d’An­gers ou le Vic­to­ria and Albert Museum par exemple — je trouve inté­res­sante l’ex­po­si­tion tem­po­raire du musée des beaux-arts, car il ne s’a­git pas d’une pro­po­si­tion uni­que­ment des­ti­née aux per­sonnes en situa­tion de défi­cience visuelle : elle cherche à tou­cher (sic) tous les publics. Cepen­dant, il faut recon­naître que l’ex­po­si­tion semble un peu réduite. On aime­rait voir quelque chose de plus déve­lop­pé, qui tisse avec le reste de l’ex­po­si­tion per­ma­nente du musée une conni­vence de par­cours, afin de per­mettre une explo­ra­tion plus com­plète des œuvres, en contexte, le long de la pro­po­si­tion clas­sique du musée.